Claire Ly
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«Claire Ly, rescapée de l'enfer»
Interview parue dans Peuples du Monde, janvier 2008 [11 KB]

Pourquoi avez-vous décidé de réaliser cet ouvrage destiné aux enfants ?

Le projet de Kosâl et Moni est né au retour de mon troisième voyage au Cambodge avec mon fils cadet qui travaille aux éditions Siloë. Il m'a demandé de réfléchir à un album jeunesse qui mettrait en scène les enfants du Cambodge et qui pourrait s'intégrer dans la collection " Terres de mômes " que Siloë développait. C'était aussi pour lui une façon de rendre hommage à ce pays qu'il a quitté à l'âge de dix jours. Kosâl, un enfant de la campagne va rencontrer Moni, une petite fille de la capitale. Cette rencontre est symbolique car les Khmers rouges avaient opposé les gens des rizières aux gens des villes. L'illustratrice, Gwenaële Thoumine, avait déjà réalisé un album jeunesse pour les éditions Siloë. Alors, nous nous sommes tournés vers elle, et l'avons emmenée dans cette aventure khmère …

Pensez-vous que les enfants puissent comprendre, à travers votre ouvrage, toute l'horreur de la période khmer rouge ?

Nous n'avions pas cette intention et ce n'est pas le but de cet album. Nous voulons juste présenter aux enfants français la vie toute simple des enfants khmers : comment ils peuvent vivre leur citoyenneté, grandir et construire leur avenir dans un pays cassé, traumatisé, vidé par la violence et un passé douloureux.

Vous terminez sur une note d'espoir. Est-ce réaliste, utopiste ?

Très réaliste…Car, pour moi, seule l'Espérance est réelle. Elle permet de se projeter dans l'avenir, de ne pas se faire écraser par la misère, par le mal. L'Espérance reste omniprésente dans le cœur des pauvres, des écrasés de la vie. Elle est encore plus vivace quand ces pauvres sont des enfants. La désespérance est plutôt réservée aux adultes, surtout si ces derniers ont la chance de vivre dans l'aisance de pays riches.

Quel regard jetez-vous sur les récentes arrestations des anciens Khmers rouges?

Réservé…C'est bien que ces responsables des crimes de masse soient arrêtés et jugés. Cela permet à l'opinion internationale de se féliciter d'avoir résolu le problème de l'impunité des Khmers rouges. La communauté internationale peut ainsi retrouver sa bonne conscience après tant d'années d'indifférence envers le peuple khmer. Mais les Khmers au Cambodge craignent que ce tribunal international ne soit qu'une parodie de justice. Pour que le peuple khmer puisse se reconstruire, le tribunal doit être une première étape dans un long processus. Il est vraiment souhaitable que ce tribunal ne soit pas une fin en soi… Le processus que le tribunal doit contribuer à lancer est celui du travail de mémoire. Un travail de mémoire qui aidera les Khmers à écrire leur histoire… Car aucun manuel d'histoire ne relate la période des Khmers rouges. Sans le travail des historiens, les Khmers rouges hantent l'imaginaire du peuple comme les fantômes dans la croyance khmère. Je sais que le traumatisme est grand pour mon peuple. Il faut du temps pour oser retourner dans ce passé. Mais ce temps n'arrivera jamais s'il n'y a aucune volonté politique de s'approprier cette mémoire chargée de souffrance.

Quel message transmettez-vous lors de vos conférences?

Un message d'espérance que l'on peut sûrement qualifier d'utopique : les disciples du Christ doivent chercher à construire avec les autres, différents, un monde plus humain. Cette construction est à faire dans le respect sans ambiguïté des autres traditions religieuses. Nous sommes des pèlerins en quête de la Vérité. Personne ne peut prétendre la posséder. Les chrétiens doivent respecter toute voie spirituelle qui permet de libérer l'homme. Aider l'homme à grandir est le cœur de la mission chrétienne. Car disciples de Jésus-Christ, nous confessons notre foi en un Dieu qui a pris notre condition humaine…

Propos recueillis par Nicolas Roquejeoffre

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